- Cartographie animée: les violences au Mali de juillet 2011 à février 2016
- CARTE. Les événements de violence au Mali de janvier à février 2016.
- CARTE. Les événements de violence au Mali de septembre à décembre 2015.
- ANALYSE. Vacances gouvernementales et prise d'otage au Mali
- ANALYSE. Les groupes armés dans le gouvernement et la tenue des élections locales
ANALYSE. Après l’accord de paix: des divergences entre alliés sur fond de poursuite des violences
Analyse hebdomadaire de la semaine du 26 au 29 mai 2015.
Après l’accord de paix: des divergences entre alliés sur fond de poursuite des violences.
Par Florent Blanc et Oumar Berte. La cérémonie de signature de l’Accord de paix à Bamako le 15 mai 2015, en l’absence des représentants de la CMA, s’est tenue dans un contexte marqué par la poursuite des violences qui font suite de la prise de Ménaka le 27 avril 2015.
Lors de cette cérémonie, le Président Ibrahim Boubacar Keita a adressé des critiques à l’égard de la mission multidimensionnelle et intégrée des Nations-Unies au Mali (MINUSMA) qui ont déclenché une polémique, suivie d’actes de violences perpétrés à Bamako même contre plusieurs membres de cette mission onusienne. A la suite des propos tenus par le président malien rappelant l’attachement du Mali à la paix et au respect du cessez-le-feu, et laissant entendre que d’autres parties au conflit n’avaient pas le même, Hervé Ladsous, Secrétaire Général Adjoint des Nations Unies chargé des Opérations de Maintien de la Paix, a tenu à rappeler que la MINUSMA, l’une des interventions onusiennes les plus couteuses en vies humaines, était attachée à la poursuite du dialogue pour que toutes les parties concernées finissent par signer l’accord de paix. Dans sa conférence de presse, le 16 mai, M. Ladsous est revenu sur les accusations d’impartialité formulée à l’égard de la MINUSMA pour tenter de désamorcer la polémique. Au même moment, et face aux attaques des forces internationales, le président IBK, prenait la parole dans la localité de Samaya, à l’occasion du lancement de la campagne agricole, pour déclarer que le rôle de la MINUSMA n’était pas de combattre les rebelles mais d’accompagner le Mali vers la construction de la paix. Ces précisions, apportées de part et d’autres, ne font pas oublier que le gouvernement malien reste confronté à la poursuite des attaques des groupes armés au Nord, et que les populations doivent vivre dans un contexte d’insécurité continu, notamment dans les régions de Gao et de Tombouctou.
Les critiques adressées publiquement à la MINUSMA semblent, pour de nombreux analystes, porter la marque d’un jeu politique intramalien destiné à renforcer la position politique du Président.
La signature de l’accord de paix, premier pas vers la construction d’une solution de paix durable au Mali, est donc entachée par des différends politiques et la poursuite de la violence, d’abord contre les Maliens, mais aussi contre ceux dont la mission consiste précisément à rétablir la sécurité sur le territoire du Mali.
Voici ce qu’il fallait retenir comme information dans la presse malienne et internationale cette semaine
Dans le domaine institutionnel
L’autorité de l’Etat malien est bien mise à mal ces temps-ci alors que se multiplient les polémiques sur sa capacité à protéger les populations au Nord du Mali mais aussi à Bamako et que les groupes rebelles accusent les forces armées maliennes d’exactions depuis la bataille de Ménaka. Les combats ont ainsi fait plusieurs dizaines de morts parmi les soldats maliens depuis la fin du mois d’avril 2015 sans pour autant permettre à un camp ou à l’autre de pouvoir se prévaloir d’une quelconque avancée territoriale ou politique significative.
A Bamako, c’est l’annonce du caillassage de la voiture du candidat de l’URD à l’élection législative partielle de la Commune V, une première dans la vie politique malienne, qui vient réveiller quelques inquiétudes concernant la vie politique locale et la tentation du recours à l’intimidation.
- Facteurs déclencheurs
1FD1 Atteinte à l’État de droit, aux normes et aux valeurs démocratiques
Une voiture de campagne de l’U.R.D (Union Pour la République) caillassée au quartier Mali en commune V de Bamako
Le décès, en février 2015, de la député Oumou Simbo Keita (Commune V de Bamako) a provoqué l’organisation d’une élection partielle. La campagne a été émaillée de violences.. Keita était membre de la majorité présidentielle, ses partisans visiblement n’ont pas vu d’un bon œil la campagne du candidat de l’opposition URD dont le véhicule a été caillassé. Ce type d’attaque est une première dans le cadre des processus électoraux maliens. Selon nous, il est à comprendre dans le contexte d’une montée du recours à la violence. (lien)
1FD3 revendications autonomistes et indépendantistes
Crise malienne : pourquoi Ménaka cristallise les tensions ? (article du 22 mai 2015)
La ville de Ménaka a été reprise le 27 avril 2015 aux groupes armés indépendantistes de la CMA (Coordination des Mouvements de l’Azawad) par le GATIA (Groupe Autodéfense des Touaregs Imghads et Alliés) proche du gouvernement malien (voir interview de Kalilou Sidibe). Plusieurs tentatives de la CMA pour reprendre le contrôle de la ville aux milices d’autodéfense ont échoué. La tension se cristallise autour de cette ville bastion historique de toutes les rebellions du nord du Mali. C’est de cette ville que les rebelles du Mouvements National de l’Azawad (MNLA) avait lancé le 17 janvier 2012 l’assaut contre les forces armées maliennes marquant le depuis de ce conflit armé avant d’être chasser par les groupes terroristes. Ménaka présente un x pour les parties : un enjeux politique car la ville pourrait devenir, dans une nouvelle configuration territoriale, capitale et un enjeux stratégique car la ville est une base arrière militaire pour atteindre Gao. A ces deux enjeux, il faut aussi rappeler que c’est à Ménaka qu’est né le fondateur du GATIA, le général El Hadji Gamou et du député Badjan Ag Hannatou. (lien)
Les groupes armés de la CMA accusent l’armée malienne d’avoir exécuté des civils (article du 22 mai 2015)
nLe 21 mai 2015, de violents combats ont opposé l’armée malienne et les milices pro-gouvernementales du GATIA aux rebelles de la CMA dans la localité de Tin Hamma située dans le cercle d’Ansongo. L’assaut a été repoussé par les forces maliennes et les milices d’autodéfenses du GATIA. La CMA dans un communiqué publié après ces affrontements accuse les forces armées maliennes d’avoir exécuté sommairement des civils dans cette localité. Cette campagne de communication vise à apporter la preuve de la proximité du gouvernement malien et du GATIA, chose que le gouvernement dément et d’autre part à monter les populations locales contre les forces pro-gouvernementales. (lien)
30 militaires maliens tués dans les affrontements avec les rebelles de la CMA en quatre semaines. (article du 23 mai 2015)
Les groupes armés indépendantistes de la CMA ont été chassés de la ville de Ménaka par les groupes d’autodéfense pro-gouvernementaux du GATIA et alliés le 27 avril 2015. Ménaka était le deuxième bastion des groupes armés de la CMA. Les groupes armés de la CMA ont tenté plusieurs fois en quelques semaines de reprendre le contrôle de la ville sans succès. La CMA accuse les forces armées maliennes de soutenir le GATIA pour les attaquer à Ménaka. Ils ont multiplié les attaques contre les forces armées maliennes depuis le 27 avril 2015. Au total 15 villes ont été attaquées et pillées, 30 militaires maliens ont été tués par les groupes armés de la CMA depuis le 27 avril 2015. Ces violences illustrent l’incapacité des forces armées maliennes à assurer la sécurité dans les régions du nord du pays mais aussi le manque de volonté de la CMA à aller vers la paix. (lien)
Dans le domaine sécuritaire
Le clash entre le président malien et le sous-secrétaire général de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix a occasionné des séries d’attaques contre la MINUSMA à Bamako. La MINUSMA depuis son déploiement en 2013 au Mali a enregistré des attaques ciblées dans le nord du pays. Ces attaques ont été perpétrés par les groupes armés terroristes et par les groupes armés indépendantistes. La MINUSMA a été aussi prise à parti par des manifestants à Gao le 27 janvier 2015 au cours de laquelle 3 personnes ont été tuées par balle par les Casques Bleus. Ces incidents avaient suscité de très vives protestations ainsi que la délégation d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur ces événements. Mais elle n’avait jamais fait l’objet d’attaque armée en plein cœur de Bamako.
Le discours d’accusation du président malien Ibrahim Boubacar KEITA du 15 mai 2015 a été suivi d’une série d’attaques armées contre la MINUSMA à Bamako. Au plus bas en terme de popularité, le président malien pourrait avoir été tenté de faire remonter sa cote en jouant sur la tendance nationaliste de l’opinion publique malienne. Si au cours de la première attaque la MINUSMA n’a enregistré aucune perte en vue humaine, celle du 25 mai 2015 a entrainé la mort du premier Casque Bleu à Bamako.
La MINUSMA privilégie la piste des terroristes bien qu’aucune revendication à ce jour n’ait été formulée. En revanche, deux hypothèses ont pu être formulées:
celle de groupes nationalistes maliens et celle de groupes armés qui, en prenant la MINUSMA pour cible en plein coeur de la capitale malienne pourraient chercher à décrédibiliser le gouvernement et à jouer sur les divisions actuelles entre Bamako et les forces onusiennes.
- Facteurs amplificateurs
2FA2 augmentation des activités illégales et de la criminalité
Un Casque bleu tué et un autre blessé par des tirs à Bamako (article du 26 mai 2015)
Le 15 mai 2015 lors de la cérémonie de signature officielle des accords d’Alger à Bamako, le président malien Ibrahim Boubacar Keita a remis en cause l’impartialité de la MINUSMA dans son discours, provoquant l’ire du sous-secrétaire général de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous. Celui-ci a rappelé que la MINUSMA était la mission la plus coûteuse en vie humaine à l’ONU après la Somalie en 1990. La MINUSMA a plusieurs fois été attaqué dans les régions du nord du pays, mais n’avait pas été attaqué à Bamako. Après ce discours du 15 mai 2015 dans le quel le président malien demanda à la MINUSMA plus de « justice » et « d’équité », la MINUSMA a enregistré sa première attaque à Bamako le 20 mai 2015. Elle enregistre sa deuxième attaque le 25 mai 2015. Lors de cette attaque contre un véhicule sur la route de l’aéroport, un Casque Bleu a trouvé la mort, ce qui n’était jamais arrivé dans la capitale malienne.
Le sens à donner à cette attaque fait l’objet de spéculations : s’agit-il d’une façon pour ses auteurs de creuser la faille ouverte par IBK avec les forces internationales ? Peut-on imaginer, dans un contexte de tensions nationalistes récentes que certains acteurs s’en prennent aux forces de l’ONU ? La piste terroriste évoquée par la MINUSMA n’est pas à exclure mais semble peu probable car les attaques n’ont pas été revendiqué à ce jour. (lien) (lien 2)
Nord du Mali : Les motos comme moyens de transport et de combat pour les rebelles (article du 26 mai 2015)
Les complices des groupes armés non-gouvernementaux utilisent des engins à deux roues pour recueillir des informations sur les forces armées maliennes. Les informations fournies par ces personnes sont essentielles pour les groupes armés dans la planification de leur stratégie d’attaque des positions des forces armés maliennes. En recourant aux motos, moyens de déplacement très populaire au Mali, ces observateurs, se fondraient facilement dans la population. (lien)
2FA6 Atteinte à l’État de droit et aux droits humains
Mauritanie: afflux de réfugiés fuyant les violences au nord du Mali (article du 26 mai 2015)
Les exactions commises contre les civils dans les zones de combat dans le Nord du Mali ont conduit à un nouveau mouvement de départs des populations civiles vers les camps de
réfugiés situés sur le territoire mauritanien. La région de Tombouctou est la plus touchée de ces dernières vagues de départs sur fond de multiplication des attaques armées dans cette région depuis la prise de Ménaka par les groupes armés du GATIA au ceux de la CMA le 27 mai 2015. (lien)
L’ONU enquête sur la mort de civils à Tin-Hamma (article du 23 mai 2015)
Suite aux accusations formulées par la CMA contre les forces armées maliennes selon lesquelles elles auraient exécuté des civils au cours des affrontements du 21 mai 2015 autour de Tin-Hamma, l’ONU a envoyé sur place une équipe d’enquête. La CMA nourrit la polémique ce qui pourrait bien affaiblir encore le gouvernement malien auprès des populations locales. (lien)
2FS2 : Sous-équipement et déficit de formation des agents de sécurité
La gendarmerie malienne et algérienne renforcent leur coopération
La lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière dans le Sahel nécessite une coopération militaire entre les États concernés. L’Algérie et le Mali sont particulièrement concernés. Aucun État ne peut réussir seul cette lutte. La coopération internationale entre les États concernés est donc une nécessité. (lien)
Dans le domaine social
La société civile malienne, bien qu’invitée à participer aux négociations d’Alger, n’a eu qu’un rôle consultatif et n’a pas été autorisée à exposer ses vues concernant les projets d’accord proposées par l’équipe de la médiation internationale. Si seuls les groupes ayant pris les armes étaient effectivement conviés, la société civile malienne n’est pas restée inactive, sensibilisant les populations à l’impératif d’une paix durable, en créant la mobilisation des citoyennes et des citoyens.
Des groupes citoyens ont même pu mener des initiatives isolées comme celle du 22 mai 2015 de l’AMDH (Association Malienne des droits de l’Homme), de « Gina Dogon », de l’association « trait d’union » présidée par la maire de Goundam Seck Oumou Sall qui a abouti à la libération de 10 combattants des groupes armés d’autodéfense Ganda Koy que la CMA (Coordination Mouvement de l’Azawad). Ces combattants Ganda Koy avait été capturés lors des affrontements de Tin-Aicha de la mi-mai avec la CMA. La société civile se pose comme un acteur incontournable dans le processus de paix.
La gigantesque marche du 16 mai 2015 à l’appel de la société civile pour soutenir les accords est également une démonstration de force de la société civile.
- Facteurs structurels
5FS2 Liens intra-communautaires forts
La société civile organise une série de marches le 26 mai 2015 sur l’
ensemble du pays pour soutenir les accords de paix . Article du 22 mai 2015
La société civile malienne n’a pas été invitée aux pourparlers intermaliens tenus à Alger de l’automne 2014 au printemps 2015. Seuls les groupes armés l’étaient. Malgré ce choix parfois mal compris, elle a joué un rôle fondamental dans la consolidation des liens sociaux et la préparation de la paix dans le pays. Elle organise des séries de conférences et des marches pour soutenir les actions visant à rétablir la paix dans le pays. La société civile malienne est en phase s’imposer comme acteur incontournable dans le processus. (lien)
Manifestation de soutien à l’accord d’Alger dans la capitale (article du 27 mai 2015)
Une gigantesque foule est sortie dans les rues de Bamako le 26 mai 2015 à l’appel des associations pour soutenir l’accord de paix signé le 15 mai. Ces manifestations de soutien en faveur de la paix pourraient avoir un impact considérable pour le gouvernement malien, actuellement en froid avec ses partenaires internationaux à la suite des propos tenus par le Président IBK, critique envers la MINUSMA. (lien)
10 combattants Ganda Koy libérés par la CMA à Ber grâce à la mobilisation des femmes de la localité (article du 27 mai 2015)
La société civile malienne s’implique davantage pour le rétablissement de la paix de la paix et de la sécurité dans le pays. Elle a réussi une spectaculaire libération de 10 otages retenus par les groupes armés de la CMA. Les 10 prisonniers étaient des combattants Ganda Koy capturés lors des combats autour de Tin-Aicha début mai.
Cette libération a été rendue possible par la mobilisation des femmes. Oumou Sall Seck, maire de Goundam localité située dans la région de Tombouctou et présidente de l’association « trait d’union », en lien avec l’association Gina Dogon et l’Association Malienne des Droits de l’Homme, en s’appuyant sur les liens de la sinankouya (cousinage à plaisanterie), a pu convaincre les responsables locaux de la CMA de laisser partir ces prisonniers. Rappelons ici, que les Dogons sont les cousins des Songhais, des Bellas mais aussi des Touaregs. Ces deux pistes peuvent être importantes dans le rétablissement de la paix dans le pays. (lien)
- Facteurs amplificateurs
5FA2 sentiment d’inégalité
La MINUSMA accusée de complicité avec la CMA dans les ressentes attaques contre l’armée maliennes ( 27 mai 2015)
Alors que la MINUSMA a été prise à partie dans le discours du Président IBK lors de la cérémonie de signature de l’accord de paix d’Alger le 15 mai dernier, la force internationale est aujourd’hui soupçonnée par certains de soutenir la CMA, alors que la coalition touareg est à l’origine de nouvelles attaques contre les FAMA dans le Nord du Mali.
Ces accusations rendent plus difficile le travail de la MINUSMA déjà confronté à une série de violences dans le nord du pays. (lien)
Dans le domaine environnemental
La région de Mopti est menacée par une crise alimentaire et par une crise économique en raison de la situation sécuritaire. L’insécurité dans cette région provoque des séries de crises qui sont liées.
- Facteurs structurels
4FS3 Vulnérabilité alimentaire
Plusieurs communes de la région de Mopti connaissent des difficultés alimentaires (article du 26 mai 2015)
L’économie de la région de Mopti repose essentiellement sur la pêche, l’agriculture et l’élevage. L’insécurité qui règne dans cette région a des conséquences lourdes sur la sécurité alimentaire de la population. Plusieurs communes de la région sont menacées de crise alimentaire. Cette crise alimentaire peut entraîner aussi une crise économie car l’économie de cette région et des populations résident exclusivement sur ces activités. L’insécurité dans cette région est la cause fondamentale de cette crise. (lien)
Couverture: crédit photo Mission des Nations-Unies au Mali (lien)